
Documentaire de 2013. La dernière séquence du film montre les jeunes que Xavier de Lauzanne a filmés quelques années après. Il a souvent été surpris de leur devenir. Nous avons pu le voir ce soir au Cinéma TAP de Poitiers. Des témoignages s’en suivent :
- Ce qui m’interpelle c’est l’obligation jusqu’à 16 ans de la scolarité, en Belgique, c’est jusqu’à 18 ans. À 16 ans ce n’est pas un âge où on peut encore s’orienter vers une voie professionnelle. Moi même à 18 ans je trouvais ça très difficile de savoir où m’orienter.
- J’habite dans les Yvelines, je travaille au Réseau Éducation sans Frontières, et le problème c’est qu’il n’y a pas de structures comme cela qui accueillent les étrangers. On a vraiment des difficultés à scolariser les jeunes, alors que c’est un droit. J’ai également hébergé chez moi un jeune qui avait été mis la porte de son foyer à 18 ans, en fait il en avait 26, c’était plus simple pour les papiers. J’ai trouvé qu’il était admirable, une leçon de vie.
- Nous on est de Calais, on a un collège avec une classe UPE2A et une classe avec des jeunes qui ne passent pas qu’en BAC pro. On avait même un jeune qui voulait faire médecine, deux de nos jeunes sont entrés en LEA. Celui qui voulait faire médecine a eu 20 de moyenne générale en BAC S. Il n’a finalement pas fait médecine, parce que son oncle ne voulait pas. En fonction de leur niveau en Français, ils sont évalués, et ils ont le droit d’avoir des cours en FLE, et sinon ils sont tous en cours en intégration, ils sont ensemble qu’en français.
- C’est bien de souligner qu’il existe autre chose que des orientations BAC pro et CAP pour s’en sortir.
- Moi j’ai eu la chance, en quatrième, de voir un jeune arriver dans ma classe et c’était intéressant qu’il soit pas qu’avec des étrangers. On n’était pas conscient de la chance d’être scolarisé, comme tous les jeunes en 4e, on n’avait pas envie d’être à l’école, et lui en 4 mois il nous a tous défoncés. Je l’ai recroisé, y a pas très longtemps, et maintenant il est médecin, je suis vraiment content pour lui. Lui, il y avait la guerre dans son pays, mais c’est bizarre ça ne m’a pas marqué d’où il venait. Peut-être qu’il faudrait penser à plus mélanger dans les classes.
- Peut-être que c’est bien qu’on s’explicite les sigles : UPE2A, Unité pédagogique pour élèves allophones arrivants, FLE : français Langue étrangère. Je suis assez surpris de voir dans ce film une classe où il n’y a que des étrangers. Aujourd’hui il me semble que ça n’existe pas. En fonction de leurs âges, ils atterrissent dans des classes de différents niveaux, de plusieurs nationalités, en fonction d’où ils en sont à l’école. Ils ont des cours spécifiques seulement pour récupérer le niveau en français. Les enfants se fondent rapidement culturellement. Une jeune dans ma classe ne parlait pas un mot de français, et en 3 semaines, elle parle très correctement.
- Moi je viens de Seine Saint dénis, et c’est très institutionnalisé, avec un entretien diagnostique, les jeunes sont ainsi soit rescolarisés, soit en classe d’accueil. Ils peuvent ensuite être rebasculés en classe ordinaire selon leurs niveaux, mais après 16 ans, comme ils ne sont plus obligatoirement scolarisés, du coup ils arrêtent de l’être, ils ne sont plus prioritaires.
- D’autres jeunes pour éviter de retourner dans leur pays et avoir les papiers nécessaires se pressent à avoir un diplôme avant 18 ans, il y a une réelle censure administrative.
- Différentes possibilités existent à Poitiers pour les enfants migrants : La CIMAD, mine de rien, une association locale, c’est également une association qui travaille sur les réseaux de logement. RESF évidemment. DNSI : D’ailleurs nous sommes ici. Welcome. MigrInter, un dispositif de la maison de quartier. Connaissez-vous ces associations ? Vous pourriez peut-être relayer de vos expériences.
- Mine de rien n’accueille en effet assez efficacement des jeunes migrants non accompagnés, la plupart du temps ceux qui dorment sur les quais de la gare, finissent parfois avec l’aide sociale à l’enfance, mais qui le plus souvent ne les prennent pas en charge, avec une difficulté de prise en compte de leur minorité. Cette association les accompagne d’une manière médicale, juridique, administrative afin qu’ils soient en règle avec la préfecture et la scolarisation peut ensuite se mettre en place. La scolarisation n’est pas facile, on fait souvent appel à des écoles privées, il y a des écoles sur Poitiers qui peuvent former jusqu’à 16 migrants dans différentes filières. On peut avoir des jeunes très motivés qui veulent peut-être se sortir d’une situation où leur avenir est pratiquement bloqué. Ils sont prêts à faire le maximum pour maîtriser la langue, et s’intégrer par l’école. Mine de rien est une association ouverte le lundi le mercredi et le vendredi, avec un appel au bénévolat que je peux transmettre ici.
- Pour donner quelques chiffres : en 2017 c’est 55 000 demandes de reconnaissances et 12 000 seulement prises en charge par l’aide sociale à l’enfance, les autres où sont-ils ? Et tout cela va dépendre aussi des politiques départementales. Certains départements décident d’orienter dans les filières où il n’y a pas assez de candidatures ce jeune, c’est pour eux la chance d’avoir un métier où ils vont être embauchés. Dans une filière où c’est bouché, ce sera dans tous les cas doublement compliqué, il faut revenir à un principe de réalité. Comment penser à l’école quand on ne sait pas où on dort le soir ?
- InfoMIE est aussi un site intéressant qui a des modèles de recours possible face à un refus de scolarité d’une mairie, des annuaires d’associations, et des listes d’échanges par mails entre militants. Il y a pleins de droits qui s’ouvrent et qui se ferment en fonction que l’on soit âgé de +18 et -18, de – de 16 et de + de 16 ans.
- À Tour, une association avec un tout petit local s’épuise, en distribuant du matériel scolaire et de l’alimentation, avec un accueil repas quotidien, s’étant donné l’objectif d’offrir au moins un repas par jour à ces jeunes. Aussi, des jeunes font des tests osseux, la médecine peut parfois trancher sur la minorité, et pour autant la justice décide la majorité, des jeunes sont rejetés par notre système, et ça c’est terrible.
- Il y a des choses en effet aberrantes, on avait réussi à scolariser dans les Yvelines, en collège, sauf qu’il n’y avait pas d’aide pour le transport et les repas… Du coup, les jeunes devaient frauder, on a réussi à mettre en place un car scolaire pour un camp rom, mais ils ont fini par être expulsés. Moi même je suis étrangère, et je suis enseignante dans une matière où il manque des profs, cela m’a permis d’avoir les papiers plus facilement. Même si je ne viens pas d’un pays en guerre ma situation n’est donc pas comparable.
En tout cas, pour clôturer tout cela, il y a aura une conférence dans deux jours sur la convention des droits de l’enfant avec Jean Le Gall. Parmi les 10 droits de l’enfant : le droit à l’éducation est pourtant bel et bien inaliénable.
Chloé cnl