C’est toujours un peu triste, n’est-ce pas, après des journées plus qu’intenses, d’enlever les affiches annonçant des événements, de jeter à la poubelle des écrits de travail d’ateliers, de remettre les tables « comme il faut », dans l’espace scolaire le plus traditionnel, de préparer la séparation d’avec les équipes qui ont partagé tant d’émotions, de petites contrariétés et de grandes joies… Poitiers, c’est fini, très bientôt, même si j’attends avec impatience ce que va dire notre grand témoin, et à la suite le vrai moment d’adieux qui fait encore monter l’émotion.
Mais hier soir, dans notre comité de pilotage réuni une dernière fois dans le cadre de la Biennale 2019 lors d’un  moment convivial comme on dit (ce qui ne veut pas dire qu’il n’y avait pas de convivialité lors de réunions précédentes !), nous avons jeté les bases, ou plutôt les prémisses d’une évidente suite. D’autant que 2021 sera le centième anniversaire de l’éducation nouvelle, même si Rousseau, Pestalozzi ou Itard  pourraient contester à bon droit ! Et chez nous, on aime célébrer les cent ans de… Et après la commémoration de la Première Guerre mondiale, qui a occupé les esprits, comment ne pas se souvenir de la naissance de ces mouvements d’éducation qui voulaient bâtir un monde de paix, après les horreurs des années 14-18 ?

Bref, il est au fond demandé à chacun de réfléchir pour bâtir un événement encore plus fort, avec cette belle idée reprise par Philippe hier matin : non donner des leçons, mais (se) donner du courage ! Nous sommes des mouvements différents, avec des histoires singulières, à l’image de ce que la conférence d’hier a montré en évoquant les rapports entre sciences et mouvements d’éducation nouvelle. Nous n’avons pas forcément le même point de vue sur l’actualité, sur les stratégies par rapport à l’institution, sur les outils utilisables avec les élèves, etc. On a pu voir cette diversité dans les ateliers, dans les débats. Mais sur les valeurs, les finalités, je crois qu’on se retrouve énormément, dans cette conjugaison de la coopération et de la promotion de l’idée de liberté, qu’on peut aussi appeler émancipation, dans une déclinaison authentique et  non artificielle de la devise républicaine. Dans le débat que j’ai animé autour de la question : les pédagogies nouvelles sont-elles élitaires, favorisent-elles les élèves déjà favorisés ? mais aussi dans la table ronde sur les neurosciences, on a bien vu que les critiques qui sont faites à l’éducation nouvelle reposent souvent sur des caricatures : on négligerait les savoirs, on exalterait la spontanéité des enfants qui redécouvriraient tout tout seuls, on sacrifierait la culture, on ferait disparaître le maître devenu un vulgaire « animateur » (comme s’il n’était pas noble d’animer, c’est-à-dire « donner vie » !). Toute la Biennale montre une tout autre image. Nos mouvements sont soucieux d’une vraie « transmission », d’apprentissages des outils dits fondamentaux, de rigueur scientifique  ou d’exigence intellectuelle, mais tout cela ne peut reposer que sur un climat de vraie confiance, de coopération, dans l’interaction, et dans la complexité. La plupart des dispositifs présentés dans les forums de pratiques, les expériences citées dans les tables rondes (par exemple la radio du LP21 ou les multiples projets d’établissements type « FESPI » ou d’écoles « Freinet ») battons-nous, sans frilosité, pour non pas rester bien au chaud entre nous mais pour faire connaître nos réussites, nos victoires contre les fatalités, montrons notre efficacité, et pour reprendre le message de Meirieu en 2017, n’hésitons pas, sans « morgue » et sans grandiloquence, bien sûr, à réaffirmer que, au fond, les valeurs essentielles de la République, de l’humanisme sont tellement mieux défendues que ceux qui prétendent le faire dans le cadre étriqué de la méritocratie, de l’école sélective et de la centration sur l’enseignement au détriment de l’apprentissage.

Arrêtons-nous là. Et citons pour finir le bel élan de Rimbaud : « départ dans l’affection et le bruit neufs ». Merci à tous !