Ce texte est extrait du « Manifeste Éducation-Égalité-Émancipation. Nos utopies pour aujourd’hui », issu du Colloque « Quelles utopies pour aujourd’hui ? » organisé par le GFEN – Groupe Français d’Éducation Nouvelle et leGREN – Groupe Romand d’Éducation Nouvelle, qui s’est tenu à Lyon en septembre 2016.

Comprendre et décoder pour pouvoir proposer

L’École a du mal à s’affranchir des conceptions qui ont prévalu et prévalent encore dans nos actuelles sociétés inégalitaires : l’exploitation de l’homme par l’homme, l’esclavagisme, les migrations non consenties, les autoritarismes de toutes sortes, les conflits, guerres et colonisations, le sexisme, le racisme, les ethnicisations, le refus de la pluralité des Histoires, la peur de «  l’autre  ».

Oser l’utopie est une condition nécessaire pour construire et reconstruire une société planétaire, libre et émancipée des errements du passé. Et d’abord à l’École où il s’agit de rompre avec des certitudes, des opinions et des croyances qui pèsent lourdement sur l’avenir des jeunes, et de les remplacer par des propositions plus émancipatrices.

Nos utopies face à des conceptions et arguments qui ont la vie dure :

Notre pari consiste plutôt à créer les conditions d’un brassage des cultures, d’une «  créolisation  » afin de faire émerger, par les récits de vie et l’histoire des déplacements humains, des formes nouvelles de productions (œuvres, récits et relations). Renouer ainsi les fils de l’histoire et construire ensemble un avenir à partager.

Il est nécessaire de changer cette conception de l’enfant, notre rapport à l’école, à l’apprendre, à la culture ; permettre aux valeurs humanistes d’être transmises en même temps que le savoir ; travailler démocratiquement avec les citoyens de toute culture sans assignation identitaire, sans territoire de relégation, sans hiérarchisation.

C’est en revanche dans la solidarité entre tous les acteurs engagés dans l’apprendre, que peut se construire la fraternité que les leçons de morale formelles ou informelles dispensées sans relâche empêchent de construire.

Nous affirmons que ces représentations émanent d’une conception erronée du développement et de l’apprentissage. Et d’une difficulté à reconnaître que la réussite et l’échec sont un construit social. D’où l’urgence à analyser ensemble, de façon critique, les mécanismes de différenciation et de hiérarchisation sociale ; de (faire) comprendre les violences de classes à l’œuvre à l’école comme dans toutes les institutions, lesquelles favorisent la reproduction des inégalités.

Tout au contraire, il nous faut miser sur la recherche et l’inventivité pédagogique pour créer une fraternité productrice d’émancipation ; sur l’intelligence collective entre les apprenants et tous les acteurs de l’École ; sur la solidarité au cœur même de l’acte d’apprentissage ; sur la capacité des enseignants à mettre en place des dispositifs permettant à chacun de réussir ensemble.

À l’opposé, nous voulons construire un espace de pensée et d’action où le questionnement fait émerger l’étonnement, la curiosité, le plaisir d’apprendre ensemble. La construction du sens est le mote

ur de tout apprentissage et vecteur d’émancipation individuelle et collective.

Loin de tout formatage, nous voulons, par la coopération, réunir plaisir et travail, favoriser les découvertes, tenir compte de l’expérience de chacun, cultiver l’empathie.

Il y a urgence à enfin distinguer contrôle et évaluation. À repenser l’évaluation, comme construction du sens, à partir de l’analyse des chemins parcourus et qui demeurent à parcourir ; à éveiller l’esprit critique ; créer des situations d’apprentissages qui permettent aux enseignants, parents et élèves d’éprouver le pouvo

ir formatif du travail mené dans un climat de confiance et sans peur du jugement ; apprécier et valoriser les efforts des apprenants.

Il est urgent maintenant, forts de ces prises de conscience et de ces convictions, de transformer nos constats et nos propositions en actes.

De l’ambition pour l’École ; de l’utopie en actes

Pour tous, nous avons besoin d’une École, ambitieuse, de l’intelligence et de l’égalité.

Cette École ambitieuse de l’intelligence et de l’égalité, il est de notre responsabilité de la construire.

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